JenniCam est une œuvre fondatrice du genre de «lifecasting», ou de la diffusion constante de la vie d’une personne.
Le 3 avril 1996 Jennifer Ringley installe une caméra dans sa chambre de résidence étudiante; toutes les quinze minutes une photographie de sa chambre était publiée en ligne. Elle appela son projet, ainsi que son site web «JenniCam», tiré de son surnom «Jenni» et de l’abréviation anglaise pour «camera».
Quelques années après l’installation de la première caméra, Ringley en a installé d’autres dans son appartement et a changé l’intervalle des photographies de quinze à trois minutes, tout afin d’augmenter la visibilité de sa vie quotidienne.
Au début, Ringley éteignait la caméra pendant ses moments les plus intimes, pourtant elle a vite arrêté de se limiter. Souvent, les images ne contenaient rien de spécial; il y avait toujours des nouvelles photos en ligne, même si Ringley n’était pas présente. Ringley ignorait la caméra, jusqu’au point où elle agissait comme si elle en avait oublié la présence. Elle dormait, s’habillait, paressait dans sa chambre et parfois masturbait, tout devant la caméra et donc son public. Pourtant, le but du projet n’était pas de produire de la pornographie; Ringley explique que c’était le hasard du moment qui décidait ce que voyait son auditoire.
Le projet a pris fin le 31 décembre 2003 après plus de sept ans de lifecasting.
Le domaine jennicam.net n’est pas attaché au projet.
La première itération de JenniCam présente une tentative d’épuisement d'un principe, celui de l'exposition constante d'une vie personnelle et authentique.
L’innovation se trouve dans l’intimité des moments publiés. Afin d'interpréter la réalité pour son public, Ringley ne s'est pas limitée devant la caméra. Elle ignorait la présence de la caméra et montraient donc une volonté d'éliminer la médiation entre le spectateur ou la spectatrice et sa vie réelle. Il ne s’agissait pas d’une dramatisation, mais d’une représentation «authentique» de la vie d’une femme. Le chronomètre de la caméra décidait quels moments seraient pris en photo et ensuite publiés. Ces moments n'étaient ni préparés à l'avance ni faits pour un public payant qui s'attend à un spectacle. Les photos transmises étaient, très souvent, banales et inintéressantes.
Ringley souligne que son projet en est un de documentation et non pas de représentation, l’élément essentiel étant l’authenticité de la vie réelle. Elle explique qu’on regarde des animaux dans des zoos faire tout genre de choses, mais le moment où on décide de regarder un autre être humain, l’activité nous semble faux pas, trop intime (Letterman, 1998).
L'effet de cette authenticité crée un sens de rapprochement pour le public. Le fait de se présenter sans artifice voulait dire qu'un spectateur ou une spectatrice pouvait se voir dans la figure de Ringley. Dans un entretien, Ringley explique qu’un observateur se trouvait tout seul un vendredi soir, donc il a ouvert la page web de Ringley, quand il a vu que Ringley aussi ne faisait que sa lessive, toute seule dans son appartement. En ce moment il ne se sentait plus seul (Letterman, 1998).