En 2003, Shelley Jackson écrit une histoire titrée Skin qu’elle allait inclure dans son prochain recueil littéraire. Pourtant, après une réflexion sur les modes de publication qui reflètent le contenu d’un texte, Jackson a décidé que ce sera la première histoire publiée sur la peau humaine (Daffern).
Elle a demandé la participation de volontaires à qui elle enverra un mot à se faire tatoué sur le corps dans une police typiquement littéraire. Chaque participant devra ensuite envoyer à l’artiste une photographie de son tatouage et recevra un exemplaire de l’histoire complète.
Le statut actuel du projet est inconnu ; à la date où cette fiche a été écrite, le site web du projet indique que 553 du total de 2 095 mots de l’histoire ont été tatoués.
À part les exemplaires envoyés aux participant.es du projet, la seule version de l’ouvrage de Jackson accessible au public et celle tatouée mot par mot sur la peau des volontaires. Effectivement, Jackson a interdit aux participant.es de partager l’exemplaire complet qu’ils ou elles ont reçu. L’histoire n’existera donc qu’en fragments pour le public.
Dans une interview, Jackson discute de la mortalité de son histoire ; lorsque les participant.es finiront par disparaitre, l’histoire disparaitra aussi de la même façon qu’elle a été publiée : mot par mot (Daffern). La mort de la dernière personne ayant participé sera aussi la mort de l’ouvrage Skin. Jackson a juré d’assister le plus que possible aux obsèques des participant.es (Kissell).
Le fait de faire tatouer les mots de l’ouvrage ne constitue pas qu’une publication, mais aussi une incarnation des mots et de l’histoire. En effet, quand elle parle des participant.es, Jackson ne dit ni « participants » ni « volontaires », mais « mots » (Kellogg). Pour elle, chaque personne portant sur leur corps un mot de l’histoire est le mot-même.
Pour l’instant, au moment de la mort d’un.e participant.e l’histoire se transforme en une nouvelle itération et un nouveau récit. Jackson a même créé un collage vidéo pour le BAMPFA de 900 mots avec les participant.es pour créer une nouvelle histoire. Cette reprise de sa propre histoire démontre comment Skin peut se manifester sous une variété de formes et de récits ; l’œuvre peut donc avoir un infini de vies possibles, autant de vies possibles que la quantité de participant.es, sur lesquel.les l’œuvre se penche complètement pour son existence.
Ce projet présente une tentative d’épuisement d’un corps, dans le sens que le corps sert comme toile d’une œuvre, surtout une œuvre en constante fluctuation. Le corps participe donc à non seulement une histoire, mais à une multitude d’histoires directement incarnées dans l’existence des participant.es.