Smoke & Fire de Dina Kelberman est une œuvre de remédiation qui se développe sous la forme d’une grille de gifs dont chacun représente une image de feu ou de fumée issue d’un dessin animé emblématique (Les Simpsons, Les Schtroumpfs, Tom & Jerry, etc.). Dans une enfilade de couleurs vives et contrastées, les images se succèdent sur l'écran sans commentaire explicatif ni référence explicite aux émissions d'origine et s'animent en une mosaïque de boucles récursives. Sur un ton semi-ironique, l'onglet de la page laisse voir, accolée au pictogramme d'un petit incendie, la mention «Everything will be fine».
Dans Smoke & Fire, l’internaute fait défiler verticalement une imposante collection d’images animées en boucle répertoriées non seulement par thématique, mais aussi par des associations libres basées sur la composition, la forme et la couleur. Plus l’internaute progresse dans le parcours de l’oeuvre, plus le contenu gagne en intensité, pour progressivement retrouver un calme laissé en suspens, l’œuvre étant en cours d’exécution depuis 2013. Dina Kelberman se réapproprie grâce à cette oeuvre des archives de la culture populaire en les recontextualisant selon une esthétique de l’accumulation qui reflète l’excès visuel et le surplus d’information accessible via les moteurs de recherche web. Dina Kelberman investit la position du flâneur web comme source d’inspiration, afin de détourner l’imaginaire loufoque du dessin animé en un parcours psychique qui révèle le sentiment de chaos sous-jacent à la navigation ou plutôt à la dérive possible de l’internaute.
L'oeuvre, par l'accumulation de gifs aux motifs et à la provenance similaires, tente de démontrer la catastrophe (elle-même figurée sur les séquences choisies par Kelberman) sous-jacente au régimes d'images du web en perpétuel extension. Le motif sélectionné (imaginaire de la fumée, du feu, des braises) semble lui-même suggérer ce type de lecture : la consummation et l'explostion, présentées sur le mode de la répétition frénétique, renvoient à cette idée d'un processus d'embrasement et nous poussent à penser la production de gifs comme une prolifération aussi incontrôlable qu'un feu de forêt et aussi vive et brève que peut l'être une combustion instantanée. À ce titre, une tension paradoxale s'installe entre la fulgurance du brasier et la pérenité du processus d'archivage, qui en rejoue sans cesse l'ignition.