John Seabrook, journaliste musical au New Yorker, s’intéresse aux nouveaux processus et aux logiques de production des musiques de variétés internationales (pop songs) faites pour les «centres commerciaux, les stades, les aéroports, les casinos, les clubs de remises en forme et le Super Bowl». Depuis les deux dernières décennies, ces chansons sont devenues selon l’auteur des expériences d’ingénierie soigneusement conçues pour susciter les oreilles des auditeurs toutes les sept secondes grâce à une myriade d’«accroches» (hooks). Voyageant de New York à Séoul, en passant par Stockholm et Los Angeles, Seabrook a rencontré des équipes spécialisées dans les techniques de «chanson et accroche» (track-and-hook) travaillant dans des laboratoires numériques. A travers les histoires d’artistes comme Katy Perry, Britney Spears, Rihanna, et d’artisans de la chanson comme Max Martin, Stargate, Ester Dean ou encore Dr. Luke, The Song Machine révèle une industrie en pleine mutation – innovations, concurrences, cupidité intense, nouveaux produits séduisants – et ce que ces nouveaux hits sont en train de faire à nos cerveaux et nos habitudes d’écoute.
La première forme d’épuisement qu’explore Seabrook concerne celui des techniques de production. Les pop songs sont réduites à un assemblage d’accroches de très courtes durées. La technologie a industrialisé les chansons de manière hypertrophique avec des performances vocales «compensées» (comped) numériquement et des équipes entières de musiciens écrivant différentes mélodies pour une même piste d’accompagnement. Ensuite, ces formes modernes de musique renvoient à une forme exacerbée de rapports de genres, car malgré des revendications d’interprètes féminins, la division du travail visible en arrière reste très largement sexuée. Enfin ces chansons, par définition attractives, sont diffusées par des plateformes (Spotify, Apple Music) qui épuisent les catégories de styles et de genres musicaux en utilisant les flux de données pour rassembler des musiques dans de nouveaux genres à partir d’algorithmes basés sur les comportements de l’auditeur.