Some Faggy Gestures est un atlas iconologique d’Henrik Olesen. Modelé sur l’atlas inachevé Mémosyne d’Abby Warburg, il décline par analogies iconographiques des groupes d’images en différents classements.
Depuis les années 1990, l’artiste berlinois s’attèle ainsi, pour construire son œuvre, à repérer et assembler des «faggy gestures», soit des «gestes de tapettes», des manières, postures, objets ou pratiques qui seraient associés d’une manière ou d’une autre à l’expression de l’homosexualité (surtout masculine).
En produisant des sous-catégories (domination, bondage, violence, bodies, etc.), Olesen traque moins les manifestations de l’homosexualité que celles de l’homophobie à travers l’histoire de l’art et de la culture occidentale. En effet, si certaines de ces catégories sont le fruit d'une autodétermination collective, la majorité d'entre elles sont construites de l'extérieur et sont le résultat d'un ensemble de stéréotypes qui homogénéisent la communauté LGBTQIA+ et enferment sa représentation dans un nombre d'images figées et définies.
Le projet a donné lieu à un livre aujourd’hui épuisé, mais certaines des séries ont aussi été présentées sous formes d’installation dans un contexte muséal (notamment au Migros Museum für Gegenwartskunst à Zurich, en 2007). Les images sont alors disposées dans l’espace sur de grands panneaux noirs thématiques parmi lesquels les visiteur.rices peuvent déambuler.
Par sa façon d’explorer son thème – l’homosexualité et sa construction sociale en tant que «posture identitaire» - Some Faggy Gestures procède à un épuisement des catégories selon lesquelles est pensée l’homosexualité. En posant la question «comment repérer l’homosexualité» à travers une série ou une accumulation de gestes, Olesen pointe à la fois des pratiques d’autodétermination ou des moyens de faire tacitement ou explicitement communauté que des outils historiquement utilisés pour procédéer à la criminalisation et à l’ostracisation des individus.
Le projet d’Olesen, déployé sur le long cours, est définitivement un travail d’archive qui met lui-même à profit l’existence préalable de la grande archive qu’est l’histoire de l’art, et dans laquelle il puise pour produire par association des séries inédites.
Mais l’archive d’Olesen n’en est pas tellement une du présent: même si elle remet sur le devant de la scène certaines œuvres oubliées et, en cela, les «présentifie» en leur rendant une certaine actualité, là n’est pas l’objet de l’œuvre. Au contraire, elle procède plutôt de ce que Renate Lorenz appelle dans Queer art, Pour une théorie freak (en convoquant justement Some Faggy Gestures parmi ses exemples) un travail de drag transhistorique. L’image n’est pas prise pour elle-même, mais inscrite dans un processus, une généalogie et une temporalité longue, qui lui confère sa portée transformatrice. C'est l'étude de l'évolution diachronique d'une figure qu'entame l'artiste.
C’est donc l’accumulation et la mise en relation des images qui rend possible le commentaire critique. En cela, l’œuvre ne génère pas uniquement une impression d’exhaustivité qui serait corrélative mais optionnelle, elle a besoin de cet effet pour être cohérente et opérationnelle.