Les sites web suicidemachine.org et seppuko.com proposent tous deux d'aider les utilisateurs à détruire leurs archives numériques en se suicidant sur les réseaux sociaux. Sur la page d’accueil de la Web 2.0 suicidemachine, une flèche rose nous invite à cliquer pour débuter le processus, promettant une mort rapide en 52 minutes au lieu de 9 heures 35 minutes si on avait opté pour un « suicide manuel ». Le principe est simple : détruire le contenu des plateformes numériques sans que l’utilisateur n’ait à supprimer / désactiver son compte; il suffit d’entrer les informations du ou des comptes sur le site, et la machine s’occupe de tout. À la fin du processus, le suicidé est inclus à un album commémoratif, avec sa photo profil et ses derniers mots. Voici le commentaire d’un utilisateur satisfait disponible sur le site : « Like taking that first step off the Golden Gate Bridge, once you click to start the process on the Suicide Machine, you can't stop it! » En effet, il semble qu’une fois le processus enclenché, autrement dit dès qu’on a cliqué, aucun retour en arrière n’est possible. Le site web imite ainsi l’acte suicide véritable, le pas dans le vide étant une décision finale, irrévocable. Or, il s'agit bel et bien d'une imitation, car il demeure toujours possible de se connecter à nouveau sur les réseaux quittés.
Un autre site web, seppuko.com, procède de manière similaire, en se limitant à la plateforme Facebook. Le site emprunte son nom au rituel traditionnel des samouraïs japonais, le hara-kiri, qui consiste à s’éventrer avec un sabre. Il propose ainsi un suicide permettant de restituer l’honneur de l’individu en le libérant de son alter ego virtuel. De plus, le projet invite à la propagation en se comportant comme un virus : il envoie, une fois le suicide accompli, la page commémorative, avec un message personnalisé, à tous les amis Facebook du suicidé, afin de les inciter à accomplir le même acte. Les amis peuvent laisser un message afin de commémorer la mémoire du disparu ou encore participer eux-mêmes au rituel, ce qui récompense le suicidé par des points accumulés. Le projet a pour objectif de créer une véritable vague de suicides virtuels, une sorte d’effet werther numérique.
Les deux sites ont mis fin à leurs activités - en raison d’une demande de cessation de la part de Facebook dans le cas de la suicidemachine.org. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette suppression massive de données numériques personnelles dérangeaient les médias concernés. Peut-on considérer ces projets comme des anti-archives visant à résister à la monstruosité de l'archive des médias de masse ? Sans doute, mais seulement en partie. Car il ne faut pas négliger le fait que ces sites ont également contribué à nourrir le mécanisme de l'archivage en sollicitant les usagers du web, créant, par la destruction des données, de nouvelles archives (en témoigne les tableaux commémoratifs). Ils auront cependant mis au jour la facilité avec laquelle les archives numériques peuvent être détruites, oubliées, remplacées.