Oeuvre hypermédiatique
Sculpture
I wish I could be exactly what you're looking for
Auteur·e·s de la fiche: 

I wish I could be exactly what you’re looking for de Jean-Baptiste Michel fait partie d’un ensemble de pièces de l’artiste construites sur un même dispositif. Dans une sculpture épurée est placé un petit écran, LED ou LCD, diffusant en temps réel des tweets publiés commençant par un même syntagme. La pièce I wish I could be exactly what you’re looking for  diffuse, par exemple, uniquement des tweets commençant par «I wish» (je souhaite). Les autres installations de Jean-Baptiste Michel réunissent des tweets commençant par: «I hate» (je déteste), «I wonder» (je me demande), «I need» (j’ai besoin), «I want» (je veux) et «It’s time» (c’est le moment).  

Jean-Baptiste Michel est l’auteur avec Erez Aiden de l’essai Uncharted, Big Data as a Lens on Human Culture qui s’interroge sur l’utilisation du Big Data pour les sciences sociales et les études littéraires. Dans un monde où nous tweetons en une heure plus de mots que n’en comptent les textes disponibles datant de la Grèce ancienne, comment donner du sens à toutes ces données? Comment les faire parler? Dans cette optique, Michel et Aider ont développé Google Books Ngram Viewers qui, grâce à la numérisation des livres par Google Books, permet de voir l’évolution de l’utilisation des mots depuis 1800.

C’est cette logique de vouloir donner du sens à la masse d’informations dont on dispose qui est à l’œuvre dans la série d’œuvres de Michel. Il s’agit de trouver une diagonale originale afin de créer des rapprochements inattendus et ainsi permettre de tirer un sens de cette immensité de textes postés sur des plateformes numériques tel Twitter. Avec la sélection d’un syntagme pour rassembler un corpus, Jean-Baptiste Michel permet la mise en place d’un encéphalogramme à échelle-monde (limitée à ceux et celles qui ont accès à Internet, sont inscrit.es sur Twitter et s’expriment en langue anglaise) de la manière dont se manifestent certains affects sur Twitter. La sélection et la retranscription anonyme des tweets permettent également de déjouer les polarisations attentionnelles structurant la plateforme Twitter. Les tweets étant sélectionnés selon leur contenu, et non selon leur auteur.es, peuvent être disponibles dans l’œuvre des personnalités connues avec des millions de followers ainsi que des anonymes des réseaux.

Relation au projet: 

Dans son désir de réunir tous les tweets commençant par un certain syntagme, l’œuvre de Jean-Baptiste Michel manifeste un désir d’épuisement. Il s’agit de diffuser en direct tous les tweets commençant par un syntagme. À une publication de tweets qui ne s’arrête pas, répond une œuvre potentiellement infinie. Mais ce désir d’épuisement ne se manifeste pas par un désir d’archives classique. Car une fois que les tweets ont été remédiés par l’œuvre, ils ne sont enregistrés nulle part. Les tweets n’apparaissent donc qu’une seule fois avant de tomber de nouveau dans l’oubli généré par l’immensité des textes produits. L’archive se constitue alors dans les spectateur.trices qui deviennent les gardien.nes des tweets qu’ils.elles ont vu.es. Chacun.e présent.e devant l’œuvre, lorsqu’elle diffuse un tweet, devient une partie de l’archive. Cette dernière se constitue virtuellement, réunissant chaque spectateur.trice passé.e, présent.e et futur.e, tel.les des gardien.nes des tweets observés. Il s’agit donc d’archives hautement faillibles. Qui pour archiver les tweets diffusés sur l’œuvre la nuit quand le musée est fermé? Ce que l’œuvre manifeste, c’est alors la vacuité de toute tentative exhaustive d’archivisme à l’heure du numérique. 

L’œuvre épuise également les capacités attentionnelles des spectateur.trices. Leur temporalité est inférieure à la rapidité et à la perpétuation de l’œuvre. Combien de tweets pouvons-nous raisonnablement voir sur les milliers publiés chaque jour?